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Témoignage d'une autre maman exceptionnelle: le début d'une vie difficile auprès d'un enfant malade

Dernière mise à jour : 29 nov. 2020

Je remercie Aline de nous avoir transmis son témoignage. Ce récit est bouleversant. Nous nous rendons compte de tous les points communs dans l'apparition et la découverte de la maladie chez nos enfants. Joyce est une très jolie petite fille que nous avons eu la chance de rencontrer fin décembre 2019. Elle est tout comme Margot atteinte de la maladie HADDS, due à la mutation du gène EBF3. Malgré cette maladie poly-invalidante, Joyce évolue et se bat sans cesse...


Voici son histoire:

"Et un jour... une réponse...

Nous sommes le 20 août 2019, une date dont je me souviendrais. Joyce notre petite fille a maintenant 8 ans. Depuis sa naissance le 4 mars 2011, nos vies ont complètement été chamboulées. Joyce, c’est évidemment pas une enfant comme les autres.

Elle ne manifeste jamais aucun besoin. La première manifestation d’un pleur est apparue après 4 mois. Mes seuls repères sont la sonnerie de mon téléphone que je mets à sonner pour savoir quand l’alimenter sur les conseils des sages femmes qui m’entourent.

C’est mon premier enfant et elle ne me guide pas vraiment sur ses besoins ! Les trois premières années de sa vie, j’ai comme l’impression de faire un massage cardiaque à un enfant qui n’arrive pas à incarner son corps.

J’ai interrogé les sages femmes autour de moi, elles n’avaient jamais vu un bébé qui ne manifestait rien mais, elles ne savaient pas quoi me dire. J’ai intimement l’impression qu’elle souffre, mais lorsque l’hôpital évalue la douleur, elle remporte toujours le smiley :) ... Je me dis à cette époque qu’elle a certainement intégré la douleur comme une norme. Comment savoir qu’on souffre alors que la souffrance est permanente et ce depuis la naissance ? J’ ai entendu que « mon enfant ressentait mes angoisses et qu’elle ne souriait pas certainement à cause de cela... » Je vous assure pourtant m’être donnée du mal pour la faire rire, et avoir même eu du succès auprès d’autres enfants du même âge ! Parfois, certaines personnes ont perçu qu’il y avait une différence, d’autres ont préféré fermer les yeux, s’éloigner. D'autres encore me rassuraient en me renvoyant que je m’inquiétais trop... Je me suis forcément demandée à un moment si j’étais responsable, si j’étais la cause de son mal être... Peut-être suis-je paranoïaque, peut-être qu’ils ont raison...

Avant ses 4 mois tous les bilans médicaux se veulent rassurants malgré mes inquiétudes. J’ai envie de croire qu’ils ont raison même si je n’y crois pas vraiment... Au quotidien, l’alimentation est complexe. Avec le recul et la découverte de la maternité avec un enfant en pleine santé, je peux maintenant dire que c’était un enfer ! Joyce peine énormément à téter, elle ne semble pas avoir le réflexe de succion et l’allaitement que je souhaitais lui offrir se stoppera rapidement. Je tire d’abord mon lait pour lui donner au biberon pour ensuite basculer vers le lait industriel, à regret, avec des épaississants car elle a beaucoup, beaucoup de vomissements. Et Sa courbe de poids peine à grimper.

Après ses 4 mois, le retard de développement commence à être reconnu par les médecins. Joyce ne tient pas sa tête, elle a peu de tonus, l’alimentation est très complexe, elle a des mouvements oculaires anormaux. Mon instinct me souffle qu’elle souffre mais je ne sais pas de quoi. Cela peut paraître atypique mais lorsqu'elle urine, je le perçois car elle agite sa tête, devient rouge comme une tomate et semble dans l’effort. Mais personne ne le relève car c’est certainement atypique comme interrogation. 10 jours après le rendez vous de contrôle des 4 mois Joyce est hospitalisée pour une pyélonéphrite aiguë. Elle y restera plusieurs jours et nous serons sollicités pour une batterie d’examens auxquels nous n’étions pas préparés... A la sortie, des prises en charge en rééducation de kinésithérapie sont mises en place 3 fois par semaine jusqu'à nouvel ordre.

Je comprends à ce moment là que notre vie venait de basculer et qu’il fallait se réorganiser. Je me demande si ma fille marchera un jour, si je devrais lui mettre des couches toute sa vie. Je travaille dans le milieu du handicap et je ne peux m’empêcher de m’imaginer le pire... Plus tard, Joyce a bénéficié des services du CAMPS (Centre d’Action Médico Sociale Précoce) et de séances de psychomotricité, orthophoniste, ergothérapeute, psychologue, éducatrice spécialisée, rééducateur fonctionnel...

A 9 mois l’IRM révèle un retard de myélinisation.... Alors qu’elle a un an, j’arrête de travailler, pensant que si je peux faire quelque chose pour réanimer cet enfant, il n’y a pas de temps à perdre. J’aime à croire que la plasticité cérébrale n’est pas figée et que ce qui peut se développer ou pas pendant la toute petite enfance conditionnera les compétences à venir. C’est là que je m’improvise coach (intensif) de ma fille : stimuler pour se mouvoir, stimuler pour manger, stimuler pour évacuer, stimuler pour communiquer, stimuler, stimuler, stimuler.... En même tant qu’elle était déjà sur-stimulée par son environnement, parce qu'elle est hyperacousique et hypersensible, ce que je ne comprendrai que plus tard ! J’ai adapté son environnement pour la stimuler à se mettre debout en jouant. Je me suis formée en autofinançant une formation en musicothérapie. Joyce a chanté avant de parler. Je me suis intéressée au langage des signes et j'ai suivi des ateliers de chant signé. J’ai acheté le livre « signe avec moi », et j’ai bénéficié du cycle 1 de LSF grâce au combat d’une autre maman dont le fils est en situation de handicap. Elle a réussi à organiser une session de formation pour les parents au sein du CAMPS avec une participation financière symbolique pour les familles.

Quel bonheur quand Joyce signe pour la première fois « je t’aime »... Pourtant il faudra convaincre, son père et ses grands parents à apprendre eux aussi pour communiquer avec elle. Il y a des à priori tel que celui de croire: "que celui qui se fait comprendre en signant ne fera pas l’effort de parler". (Si l’on signe en verbalisant, le signe est associé au son, et le jour ou c’est possible pour l’enfant il le verbalise en association et peut ensuite n’utiliser que le verbal au moment venu...) Elle a marché à 3 ans et demi. Elle a été scolarisée en milieu ordinaire, au départ en demi journée avec ma présence. Ensuite je me suis effacée pour rester tout de même dans l’établissement. Une sorte d’adaptation progressive... Aujourd’hui Joyce est prise en charge par les services du Sessad et a toujours des séances de psychomotricité, d’orthophonie, d’éducation spécialisée, de kinésithérapie. Et une ergothérapeute adapte son environnement scolaire. Elle a 2 AVS qui lui permettent de suivre un cursus en milieu ordinaire à temps plein en CE2. L’enseignante adapte le niveau aux élèves et des aménagements sont proposés pour les besoins de Joyce. Elle voit une psychologue régulièrement. Elle est suivie en rééducation fonctionnelle pour ses troubles vésico-sphinctériens. Elle a un suivi médical régulier et parfois chargé. Elle a des rendez-vous avec des spécialistes régulièrement. Elle a un agenda de ministre !!!

C’est une petite fille sensible et courageuse avec un caractère bien marqué. Elle s’acharne pour être comme les autres et est consciente de sa différence, ce qui parfois lui mine le moral. Elle a du mal à prendre des décisions et à être dans le discernement dans ses relations aux autres. Elle aime beaucoup se balader en nature, écouter et jouer de la musique, danser, jouer aux petites voitures, être dans l’eau, regarder des écrans. Elle a besoin de manipuler des objets et est devenue folle de cette ficelle multicolore qui fait fureur dans les cours d’école (le fameux strings) et qui a beaucoup développé sa dextérité.

Joyce ma fille, tu as chamboulé nos vies mais chaque jour tu ne cesses de nous surprendre. Te voir heureuse, te voir chanter la vie avec tant d’entrain alors que tu chantes « je suis une enfant handicapée, pas comme les autres », te voir faire le clown, te voir galoper, te voir manger, te voir lire, te voir écrire... toutes ces petites choses de la vie me remplissent de joie et de fierté parce que je sais quel combat tu mènes. Je sais quel effort cela représente et tu mènes ça comme une reine. Ma fille je t’aime.
"

Aline, maman de Joyce


Un immense merci à Aline, je me reconnais tellement dans tes paroles.

Nos enfants sont exceptionnels, se sont de vrais battants, et nous oublions trop souvent leur passé et toutes leurs difficultés. Le handicap invisible peut être parfois très difficile à vivre car on leur en demande toujours plus, parfois certains font comme si ils étaient "normaux, sans maladie" alors qu'en fait c'est un véritable combat au quotidien qu'ils mènent.





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