C’est un jour particulier, hors du temps, presque inespéré et en même temps terriblement effrayant… C’est le moment que j’ai attendu chaque minute, de chaque jour, depuis 5 très longues années. Mais aujourd’hui j’ai peur, je redoute ce que l’on va me dire. Aujourd’hui se termine l’infime espoir que la maladie n’était qu’illusion, que ça allait finir par redevenir NORMAL… C’est enfin le jour de la reconnaissance officielle, indiscutable de la maladie. Egalement s’il y a diagnostic c’est qu’ils ont la cause. Il n’y a pas un jour où je ne me suis pas demandée : qu’est ce qui avait pu se passer pendant la grossesse ? Qu’est ce que j’avais pu manger, boire, ou respirer ?... Dans quelques minutes je vais savoir si c’est ma faute ou la faute de l’autre ou le simple fruit du hasard, qui en est responsable. Je vais obtenir une réponse et cela va peut être me permettre d’arrêter de culpabiliser, arrêter de m’en vouloir et de me punir chaque jour.
Nous y sommes enfin, dans le bureau de ce professeur, à L'Institut Imagine à l'hôpital Necker, qui arrive avec tous ces papiers. Pour lui c’est le quotidien, il n’y a pas de cérémonie, pas de solennité, mais il prend beaucoup de temps pour tout nous expliquer: les recherches génétiques, la maladie, le suivi... Il continuera à être présent pour m'aider à retrouver d'autres familles dans le monde et pour m'accompagner dans le suivi médical de Margot. Tout simplement, il explique qui s’est produit une mutation d’un allèle sur un seul gène lors de la conception de la toute première cellule : il n’y a rien de comparable dans notre ADN, ce n’est donc pas héréditaire, purement génétique. C’est presque inacceptable, inimaginable, voire décevant. Une seule petite mutation sur des millions de combinaisons possibles dans tout l’ADN, entrainant une maladie si invalidante, une malformation d’une partie du cerveau… Une petite mutation qui entraine de si grands chamboulements, une si grande colère, de si grands sacrifices et toutes ces souffrances passées, présentes et à venir. Aujourd’hui encore plus, ces questions sans réponse tournent dans ma tête : Qu’est ce qu’on a fait pour mériter ça? Comment est ce possible? Et pourquoi nous? Les statistiques sont complètement dingues, j’aurais eu plus de chance de gagner à l’Euro-millions. J’ai besoin d’une autre raison. Mais il n’y en a pas !
Donc j’apprends qu’elle est atteinte d’une mutation du gène EBF3 qui est associé à une maladie extrêmement rare : HADDS « Hypotonia, Ataxia and Delayed Development Syndrome ». Il y a très peu de cas dans le monde, c’est le seul cas en France. Cette maladie est si rare et si complexe, qu’elle porte le nom des 3 principaux symptômes : l’hypotonie (faiblesse musculaire), l’ataxie (perte d’équilibre et de coordination), et le retard du développement. C’est trop long, trop compliqué, incompréhensif pour le commun des mortels.
Mais je sais ENFIN ce qu’elle a, je connais la cause. Je devrais être soulagée, mais en réalité cela n’enlève pas la responsabilité énorme qui pèse sur mes épaules. Dans mon imagination, je pensais qu’obtenir un diagnostic m’apporterait plus d’information, et me ferait enfin appartenir à un groupe, je me disais que je ne serais plus seule. Mais encore une fois je suis déçue vu l’extrême rareté de la maladie. Lors de l’annonce la première chose qui m’est venu à l’esprit, c’est « j’avais raison, je dois me faire confiance, continuer à suivre mon instinct et arrêter de me punir. Je suis sûrement en train de lui sauver la vie… ». J’espérais aussi enfin obtenir une certaine reconnaissance de mon acharnement, et des excuses de proches et amis qui ne m’avaient pas soutenu ou qui m’avaient tourné le dos, mais en fait, rien de tout cela n’est arrivé.
Egalement depuis quelques années, un besoin m’obsède, le besoin de connaitre le pronostic, comment va évoluer la maladie? est ce qu’elle va vivre ou mourir? et surtout savoir dans combien de temps?
Mais dans notre cas, le diagnostic n’apportera pas de pronostic pour plusieurs raisons :
-trop de peu gens sont atteints pour avoir du recul sur l’évolution
-ils vivent dans des pays avec des niveaux de vie tellement différent des nôtres que l’évolution n’est pas forcément du qu’à la maladie, trop de facteurs peuvent influer.
- et la dernière raison mais la plus importante, c’est que la mutation génétique de Margot est une mutation unique (de novo) cela signifie que même au sein de sa propre maladie, elle reste unique, les fonctions touchées ne sont pas forcément les mêmes que celles des autres enfants. Même si ils ont des symptômes communs, ils évoluent différemment.
Donc je devrais continuer à vivre au jour le jour, je devrais profiter au maximum des bons moments et essayait de traverser au mieux les mauvais. Je ne peux pas m’imaginer d’avenir car sa santé est trop fragile…. Mais depuis 5ans j’ai évolué et finalement j’ai accepté de vivre comme cela, avec cette peur qui ne me quitte jamais mais surtout en profitant de chaque jour.
LE CHANGEMENT, UN BOULEVERSEMENT DANS NOS VIES:
Grace à ce diagnostic, je me sens mieux, plus sereine. C'est très étonnant mais j’ai comme l’impression qu’une page se tourne, que quelque chose est terminée, j’ai comme accompli ma mission. Ma première et je pense ma plus importante bataille se termine, elle a duré 5 années et a été extrêmement éprouvante. Mais c’est terminé je peux souffler. Plus personne ne pourra jamais remettre en question sa maladie, les médecins seront obligés de nous prendre au sérieux. Maintenant c’est écrit noir sur blanc par de très éminents chercheurs et généticiens.
« Margot est atteinte de la maladie HADDS « hypotonia, ataxia and delayed development syndrome » MIM 617330 mutation génétique du gène EBF3 avec une atteinte de pratiquement toutes les fonctions du corps et une malformation du cervelet.»
Même mon comportement a changé, j’ai eu l’impression d’avoir le droit de me remettre à vivre, je me suis décidée à faire des activités pour moi, je me suis inscrite dans un club de sport, je me suis ré-autorisée à sortir, à rencontrer des gens, à rigoler, à vivre tout simplement ! J’ai trouvé une super nounou en qui j’ai totalement confiance, ce qui me permet de m’échapper de ce quotidien quelques heures par semaine. J’ai également décidé de ne plus me consacrer exclusivement à Margot mais de partager mon expérience, et d’aider d’autres familles à traverser toutes ces épreuves à travers l’association et le site que j’ai crée « Un Avenir Pour Margot ». J’ai aussi retrouvé, après des mois de recherches, dans le monde entier, une vingtaine de famille, ayant des enfants atteints de cette maladie, surtout aux Etats Unis, avec un médecin : DC CHAO à Houston.
Psychologiquement et émotionnellement, je me sens également plus forte, j’ai été rassurée par cette annonce, j’essaye de reprendre confiance petit à petit et de moins m’accabler. J’ose parler et raconter de ce qui nous est arrivé. Je prends toutes les décisions avec plus d’assurance.
Pour Margot également cette annonce à permis de faire un vrai bilan sur son état de santé, tous les médecins qui la suivent maintenant prennent en considération ce diagnostic, et sont plus prudent sur ce qu’ils me disent. De plus je lui ai expliqué toute sa maladie et j’ai l’impression qu’elle a pris conscience qu’elle serait comme ça toute sa vie et donc qu’il fallait faire avec. Elle ne se plaint pas. Et n’est plus considérée comme malade mais comme quelqu’un ayant des besoins différents. C’est son originalité!
Notre vie d'avant était comme transitoire. Aujourd’hui nous nous posons enfin, je sais que ce rythme de vie totalement atypique va durer encore de très nombreuses années et on s’en satisfait. Quelque part nous n’espérons plus autre chose. Je crois que je suis plus exigeante avec elle, elle est obligée d’aller a l’école, de travailler lors des rééducations, et doit s’intégrer . L’excuse de la maladie n’a plus raison d’être aujourd’hui même si bien-sûr j’adapte toutes mes demandes à ses compétences et son état de santé quotidien.
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